La Danse DJABONTANA, Une Veritable Richesse Culturelle

L’extrême nord du Togo est une région d’une diversité culturelle et d’une richesse folklorique indéniables. Au cœur de cette savane dénuée de tout maléfice, perles et cauris, proverbes et initiation des jeunes, contes et rencontres festives restent encore à nos jours la principale substance des us et coutumes. Le savoir se perpétue de générations en générations et la tradition avec. Cependant les moments les plus marquants et les plus attendus restent sans doute le clair de lune. Chants, danses et cris déchirent l’atmosphère et rompent avec le silence proposé par la nature après le coucher du sieur soleil. D’un village on peut entendre les échos de l’ambiance festive du village voisin. C’est dans cet environnement que, beaucoup plus dans la préfecture de Kpendjal, prospère une danse à caractère on ne peut plus identitaire appelée Djabontana.
Le Djabontana est une danse d’origine controversée. Cette controverse est alimentée par d’innombrables mythes et témoignages qui, même s’ils dénotent parfois de quelques paradoxes s’avèrent quand même proches de par leurs contenus. Ainsi, reste sans doute le mythe le plus célèbre, celui qui raconte que le Djabontana est une danse du peuple Gourmantché originaire du Burkina Fâso. D’après ce mythe, la genèse du Djabontana remonte à l’époque où nos ancêtres vivaient encore dans les montagnes. Un jour, une montagne appelée Djabon ou montagne noire se mit à s’écrouler. Les pierres en déferlant produisaient un son agréable à l’oreille. Charmés par cette belle mélodie, les habitants de la localité eurent la brillante idée de la récupérer et, de l’harmoniser puis de l’accompagner d’une danse qu’ils ont baptisé Djabontana, de son sens étymologique « les pierres de la montagne noire ».
Cette version un peu trop belle de l’avènement du Djabontana est mise en mal par des récits et témoignages de quelques anciens qui prétendent pour certains, d’être nés en même temps que la danse et pour d’autres d’avoir hérité de la version originale de son histoire par transmission orale successorale. C’est ainsi que Mr Léne MATIEYENDOU, homme de lettres, estime que la danse Djabontana ne prend pas ses sources dans l’antiquité comme le pensent certains mais plutôt à une époque relativement récente. Un groupe d’enfants qui s’amusaient à taper sur des objets de récupération pour se distraire et qui croyaient poser un geste gratuit et banal, étaient sans le savoir entrain de produire un son mélodieux qui relève du génie créateur et suscite de l’intérêt. Un autre groupe, mais cette fois ci d’adultes, qui passait par là a tout de suite été séduit par l’harmonie et le charme des sons qui se dégageaient sous l’effet des coups de ces mains innocentes et pures. Ils prirent sur eux d’adapter et de dompter ladite mélodie puis de l’assaisonner d’une danse qu’ils ont nommé Djabontana, en d’autres termes Ounoubom n’taan naan ce qui signifie « là où se réunissent les jeunes noirs ».
Le Djabontana est une danse masculine qui ne nécessite que quelques tam-tams et des accessoires dont le plus important est le sifflet. Qu’est-ce que c’est beau, comme de simples instruments peuvent produire un rythme aussi fou, délirant et envoûtant. C’est un rythme régulier entrecoupé d’accélérations saccadées, qui emballe autant les danseurs que les spectateurs dans une nébuleuse cacophonique extraordinaire.
Pour prétendre à l’exécution de Djabontana, il faut d’abord prétendre à certaines qualités : avoir le rythme dans l’âme, la vivacité dans l’esprit et la souplesse dans le corps. En effet, il s’agit d’une danse intense et énergique qui sollicite chaque muscle, chaque organe voire chaque nerf de l’organisme. Elle fait mouvoir toutes les parties du corps et les plonge dans un exercice de puissance. La poitrine se dégage et recule dans un va-et-vient rythmé et fait vibrer la tête comme une corde de guitare. Elle emporte les épaules et les membres supérieurs dans son mouvement et ne les laisse aucun choix. Le ventre et les côtes sont contraints à des mouvements inverses. Les pieds, eux, se contentent de faire bouger tout le corps d’avant en arrière, de gauche à droite selon la composition chorégraphique.
Telle que pratiquée aujourd’hui, la danse Djabontana a subi de profondes mutations formelles. Ces mutations se justifient par le souci d’ajustement aux exigences liées à l’époque. La vie se modernise de plus en plus et la tradition aussi. Le Djabontana a dépassé l’état de simple danse pour recevoir une véritable teinture artistique doublée d’une cure de jouvence sur le plan scénique, ce qui l’a conduit à petit feu vers le concept de comédie musicale. Un des célèbres scénarios que les danseurs ressortent souvent consiste en le jet d’un billet d’argent sur l’espace de jeu par un danseur ou un spectateur. C’est alors que tous les danseurs commencent à jouer à des « singes épatés et effrayés devant cet objet étrange », comme pour dire qu’à l’instar du N’dombolo congolais, le Djabontana togolais s’est inspiré du comportement des singes. Ils essayent de toucher, de prendre et même de jeter les uns sur les autres l’étrange objet. A un moment, convaincus que celui-ci n’est pas dangereux, un d’entre eux danse autour du billet sous la clameur de ses coéquipiers puis, d’une gymnastique de grande valeur esthétique, se penche sur le billet la tête en bas et les pieds en l’air et le ramasse avec ses dents. Les batteurs accélèrent et la musique se relance de plus belle.
Le Djabontana se danse à plusieurs occasions. Les plus usuelles sont le mariage, le baptême, les funérailles, les réjouissances populaires mais aussi pour rendre hommage à des personnalités. S’il est vrai que le Djabontana reste une danse à découvrir encore plus, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle est une richesse immense pour le peuple togolais et, à fortiori, pour le peuple Gourmantché. Il est alors nécessaire d’amener les jeunes à s’y intéresser davantage afin que ce trésor puisse survivre pour enrichir l‘histoire, notre histoire culturelle.